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Saviez-vous que depuis l’affaire Eric et Lola, les conjoints de fait ne bénéficient toujours pas plus d’une plus grande protection ?

L’affaire Eric c. Lola : 10 ans plus tard

Saviez-vous que depuis l’affaire Eric et Lola[1], dont le jugement a été prononcé par la Cour suprême du Canada en 2013, les conjoints de fait ne bénéficient toujours pas plus d’une plus grande protection ?

Bref rappel des faits : après avoir formé un couple pendant un peu moins de dix ans, deux conjoints de fait se séparent. Mme (Lola) dépose une demande à la Cour afin de demander notamment que lui soient reconnus des droits dans le patrimoine du M. et que lui soit versée une pension alimentaire, des droits pourtant seuls réservés aux conjoints mariés. Mme plaide que les dispositions du Code civil du Québec sont discriminatoires en regard de la Charte canadienne des droits et libertés.

Après près d’une décennie de démarches judiciaires, la Cour suprême du Canada confirmera la constitutionnalité du régime québécois des conjoints de fait :

[…] « L’exclusion des conjoints de fait de l’application des dispositions contestées n’est pas non plus discriminatoire par l’expression d’un préjugé.  Le législateur ne crée pas une hiérarchie entre les diverses formes de conjugalité et ne manifeste pas une préférence pour le mariage et l’union civile au détriment de l’union de fait.  Il ne procède qu’à la définition du contenu juridique des différentes formes d’union conjugale.  Il fait du consentement la clé de la modification des rapports patrimoniaux mutuels des conjoints.  Il préserve dès lors la liberté de ceux qui désirent organiser leurs rapports patrimoniaux hors du cadre impératif légal. Le consentement explicite et non présumé constitue la source des obligations de soutien alimentaire et de partage des intérêts patrimoniaux entre conjoints. 

[…]

En ce sens, une fois reconnu le principe de l’autonomie de la volonté, qui par ailleurs est une des valeurs sous‑tendant la garantie d’égalité prévue à l’art. 15 de la Charte, les choix qu’effectuent les individus en exerçant cette autonomie méritent d’être respectés par les tribunaux.  Dans ce contexte, il appartiendra au législateur d’intervenir s’il considère que les conséquences de ces choix autonomes engendrent des difficultés sociales auxquelles il importe de remédier. »

Il est important de souligner que même si Lola n’a pas gagné, la majorité des juges de la Cour suprême ont cependant conclu que la loi est discriminatoire à l’égard des conjoints de fait et qu’il appartient au législateur québécois de modifier, moderniser sa loi, soit le Code civil du Québec. Un comité d’experts en droit de la famille a ainsi été mandaté afin de soumettre leurs réflexions sur les enjeux juridiques que soulèvent les nouvelles réalités conjugales et familiales. Ce que l’on appelle le rapport Roy (« Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales ») a été remis au ministère de la justice en juin 2015.

Face à l’inaction du gouvernement du Québec à donner suite à ce rapport de plus de 600 pages, la Chambre des notaires s’est mobilisée pour constituer la « Commission citoyenne sur le droit de la famille » au printemps 2018. Le rapport final de la Commission a été rendu public le 11 septembre 2018.

En mars 2019, la tenue d’une vaste consultation publique sur la parentalité et la conjugalité a été annoncée par le gouvernement et s’est tenue dans plusieurs villes du Québec.

Le travail législatif a débuté en 2020 afin de traiter de la première partie de la réforme : les questions relatives à la filiation et à l’autorité parentale. Un projet de loi (Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil du Québec en matière de droits de la personnalité et d’état civil) a été adopté le 7 juin 2022, réglant partiellement cette première partie de la réforme.

Ce projet de loi n’aborde cependant pas les différents régimes de conjugalité et leurs effets.  Les conjoints de fait, le divorce (et le patrimoine familiale/société d’acquêts), la protection de la résidence familiale et la pension alimentaire payable entre conjoints sont tous des sujets qui restent encore à traiter.

En attendant, les conjoints de fait doivent demeurer prudents, la loi ne leur accordant aucune protection d’office. Puisque que le Code civil du Québec ne prévoit aucun article les concernant dans la section portant sur le droit de la famille, la loi applicable aux conjoints de fait sera la loi de leurs écrits et de leurs contrats (acte d’achat, testament, mandat, reconnaissance de dettes, etc.). Une consultation avec un juriste est recommandée, surtout lorsque des événements importants surviennent (naissance d’un ou des enfants, acquisition d’immeubles, survenance d’une maladie, etc.).

[1] Eric c. Lola (Québec (Procureur général) c. A[2013] 1 RCS 61)

Rédigé par Me Marie-Laurence Brunet
Avocate Associée chez Brunet & Associés
brunetassocies.com